Jusqu’à présent, j’ai surtout abordé dans cette chronique la littératie physique avec une déficience motrice… C’est à cette limitation qu’on pense souvent en premier quand on parle de vie active et de handicap, car des adaptations physiques sont nécessaires. C’est aussi ce qui est le plus près de ma réalité personnelle. Pourtant, dans le cadre d’une implication bénévole où j’accompagnais des personnes ayant une déficience intellectuelle dans des activités de loisirs, j’ai découvert que la littératie physique, bien que s’appliquant différemment pour ces personnes, était toute aussi importante.
Les beaux dimanches à la piscine
Quand je repense à Sophie, jeune femme ayant la Trisomie 21, avec qui j’allais faire de l’aquaforme tous les weekends, c’est sa joie de vivre et son énergie qui me viennent en tête en premier. On avait rendez-vous à la piscine très tôt le matin, et dès que j’arrivais, c’est son grand sourire qui m’accueillait, avec son traditionnel : « Salut Josée, moi je pète le feu! Toi? » Elle avait toujours si hâte d’aller nager.
Sophie avait toutes les capacités physiques pour pratiquer l’aquaforme. Elle était comme un poisson dans l’eau, et aimait beaucoup me montrer sa « nage du dauphin ». La partie littératie physique de son activité, c’est en partie moi comme accompagnatrice, qui pouvait lui fournir.
Comment inculquer la littératie physique aux personnes ayant une déficience intellectuelle?
Lorsque des consignes étaient données en grand groupe, elles étaient parfois plus difficiles à assimiler pour Sophie. J’étais là pour faciliter sa compréhension. Je me tenais près d’elle, pour lui réexpliquer quoi faire lorsque nécessaire. Parfois, on faisait les mouvements ensemble, parfois, j’étais seulement là pour lui rappeler de garder sa concentration et d’écouter l’animatrice.
Comme elle avait aussi tendance à se désorganiser face aux imprévus, j’étais aussi là pour la rassurer lorsque quelque chose d’inhabituel se passait.
Sophie aimait beaucoup « jaser », et je devais lui rappeler que nous aurions du temps pour faire cela au vestiaire après l’aquaforme, et que là, c’était le temps de bouger.
J’étais aussi là pour l’encourager et la motiver dans ses progrès. On ne répètera jamais assez les bienfaits du renforcement positif. Mais pour la confiance, Sophie n’avait pas vraiment besoin de moi. Je pense qu’elle avait bien reçu cet aspect de la littératie physique en bas âge, car elle ne manquait pas de me souligner quand elle réussissait bien un mouvement, ou quand elle écoutait bien le professeur. Cet aspect étant bien développé chez elle, elle était plus encline à essayer toutes sortes de choses dans l’eau!
Patience et fermeté, les clés du succès
J’ai beaucoup appris de mon travail avec Sophie et les autres personnes côtoyées lors de mon implication comme accompagnatrice. J’ai développé ma patience. D’un weekend à l’autre, je continuais à répéter les mêmes consignes à Sophie, mais je me réjouissais de voir que ça portait fruit et qu’elle améliorait sa concentration. Un dimanche où j’étais indisponible, elle est même allée à l’aquaforme seule. C’est vraiment important de persévérer. Ce n’est pas parce qu’une consigne n’a pas été comprise du premier coup qu’elle ne le sera jamais!
L’autre aspect qui a été un défi, c’est la fermeté. Il ne faut pas perdre de vue que l’objectif, c’est d’amener la personne à bouger. Je m’entendais super bien avec Sophie, et lorsqu’elle se désorganisait de son activité physique pour jaser, au début, j’avais tendance à le faire moi aussi. Je me suis vite aperçue que lorsque je faisais ça, elle arrêtait de suivre le cours. J’ai donc dû me discipliner aussi, et la ramener vers l’objectif!
La littératie physique pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, ça passe principalement par le soutien de l’entourage. Avec patience et persévérance, la plus belle récompense, c’est de les voir s’épanouir dans la pratique d’une activité physique!